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La maladie
Il m’arrive parfois de rêver que j’aurais pu créer un monde meilleur que ce que Dieu a fait. Bien sûr, quelqu’un pourrait répliquer que Dieu a bien fait un monde meilleur que celui-ci, mais que nos premiers ancêtres l’ont ruiné. Cette même personne pourrait ajouter que les humains continuent de ruiner la Terre par leur fierté, leur avidité et leur égoïsme.
Mais la maladie? Dans la comédie musicale Un violon sur le toit (Fiddler on the Roof), Tevye demande à Dieu : « Est-ce que cela gâcherait un vaste plan quelconque si j’étais un homme riche? » Je rêve de demander la même question à Dieu à propos de la maladie. Le plan éternel ne serait-il pas aussi bon, sinon mieux, s’il n’y avait pas de maladie?
D’accord, assez rêver, passons à la théologie. La théologie est parfois meilleure que le rêve… alors voici quelques préliminaires théologiques. En premier lieu, la maladie existe en notre monde à cause du péché originel. Elle ne fait pas partie du «plan éternel» et elle n’est pas non plus un châtiment divin. En second lieu, l’Église parle vraiment du « faute heureuse » de la chute (l’Exultet). Avec le Verbe incarné de Dieu, ce monde est infiniment mieux que l’original. La maladie fait partie de ce monde.
Je pense alors que si on enlevait la maladie, on gâcherait le vaste plan éternel. Il s’agit là du fondement de la structure de notre compréhension de la maladie. Par où commencer? La maladie tombe dans le périmètre du problème du mal. Nous pouvons entrevoir brièvement le sens de ce mystère qui nous enveloppe. En voici quelques aperçus.
La douleur et la souffrance n’ont aucune valeur intrinsèque, comme si Dieu se plaisait à voir les gens souffrir. Nous travaillons selon le plan de Dieu pour éliminer la douleur. Les centres de soins palliatifs, lorsqu’ils parviennent à gérer la douleur physique, mentale et spirituelle, s’inscrivent en continuité historique avec les grandes œuvres des congrégations religieuses d’hommes et de femmes vouées au soin des malades et des mourants.
Certaines personnes endurent la douleur afin de garder la tête claire au lieu d’être sans douleur, mais avec un esprit confus. Ceci est tout à fait acceptable. Dans de telles situations, la douleur peut être associée au Christ pour l’œuvre du Salut.
La douleur peut nous amener à prendre conscience de notre faiblesse, à réaliser à quel point nous sommes dépendants des autres, et ultimement, dépendants de Dieu. Nous aimons croire que nous sommes les maîtres de tout ce qui nous entoure. La souffrance nous empêche d’avoir cette prétention. Sans ce constat, il nous est impossible de vivre la première béatitude, « Bienheureux les pauvres d’esprit, » sans laquelle toute vie spirituelle est impossible. Nous pouvons nous appuyer uniquement sur la force de Dieu.
La douleur et la souffrance nous rapprochent. Combien de fois, les gens créent des liens en aidant une personne malade : parents, amis, travailleurs de la santé et bénévoles de tout acabit.
À la fin, la souffrance et la douleur demeurent un mystère. Bienheureux ceux et celles qui sont malades, qui ne comprennent pas tout, mais qui se soumettent à la volonté de Dieu qui les aime sans compter. Ces personnes sont un don pour toute l’Église, car elles évangélisent à travers leur amour incarné et leur endurance patiente.
Père Leo Walsh, c.s.b.